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Ferrari 308 GT Rainbow : le joyau oublié de Bertone

Marques et modèles cultes

Lorsque Marcello Gandini, alors au sommet de son art chez Bertone, imaginait une auto futuriste, nous avions en cadeau la Ferrari 308 GT Rainbow. Singulière, unique.

texte Mathias Pivert

photo Carlos Sanz / AnchoaPhoto

Dans l'histoire des concept cars qui ont marqué l'industrie automobile italienne des années 60 et 70, certaines créations se distinguent par leur audace stylistique et leurs innovations techniques. Lancia Stratos Zero, Lamborghini Marzal, Ferrari Modulo, Fiat Abarth 2000 Scorpione. Les exemples sont légion. Parmi ces œuvres d'art automobile, la Ferrari 308 GT Rainbow incarne à la perfection l'esprit avant-gardiste des années 70 et la signature incomparable de Marcello Gandini.

Un mariage éphémère entre Ferrari et Bertone

Présentée au Salon de Turin en novembre 1976, la Rainbow représente l'un des rares fruits de la collaboration entre Ferrari et la carrozzeria Bertone. Cette création unique intervenait après que Bertone avait déjà signé la 308 GT4, dévoilée au Salon de Paris en 1973 – la première Ferrari de production dessinée par l'atelier turinois plutôt que par Pininfarina, partenaire historique de la marque au cheval cabré.

La Rainbow constituait une tentative de Bertone pour renforcer sa relation avec Maranello. Malheureusement, elle sera aussi leur dernière collaboration, Ferrari choisissant de revenir vers Pininfarina pour ses modèles suivants. De cette brève union reste un exemplaire unique, témoin d'une direction stylistique alternative pour Ferrari.

Ferrari 308 GT Rainbow Bertone au Concours d'Élégance de Chantilly 2019

Sous ses lignes révolutionnaires, la Rainbow reposait sur un châssis tubulaire dérivé de la 308 GT4, mais avec des modifications significatives. L'empattement fut raccourci de 10 centimètres, passant de 2,55 à 2,45 mètres, tandis que la voie arrière était élargie (de 7 cm), atteignant ainsi 1,535 mètre contre 1,465 mètre à l'avant.

La propulsion était assurée par le moteur V8 F106AB en aluminium de 3,0 litres placé en position centrale transversale, alimenté par quatre carburateurs Weber. Cette mécanique raffinée développait 255 chevaux, transmis aux roues arrière via une boîte manuelle à cinq rapports. Si les performances n'ont jamais été officiellement mesurées, nul doute que cette configuration promettait une expérience de conduite exaltante, fidèle à l'ADN Ferrari.

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Un design radical signé Gandini

Le design de la Rainbow porte indéniablement la signature de Marcello Gandini, alors au sommet de son art chez Bertone. Poussant plus loin encore le concept du "wedge design" (design en coin) qu'il avait popularisé, Gandini conçut une silhouette extraordinairement basse et anguleuse, caractérisée par des lignes tranchantes et une profusion de surfaces planes.

Avec ses 4,32 mètres de longueur, la Rainbow conservait les dimensions générales de la 308 GT4, mais s'en distinguait par une largeur accrue (1,86 m) et surtout par une hauteur spectaculairement réduite (seulement 1,05 mètre, soit 16 cm de moins que la GT4). La carrosserie se distinguait également par ses roues arrière partiellement carénées et ses grilles d'aération à lamelles verticales – éléments repris jusque dans le design des jantes spécifiques.

Initialement présentée en blanc avec des accents noirs, la Rainbow fut plus tard repeinte dans une teinte bleu métallisé clair, avec un intérieur assorti.

Si la Rainbow fascine encore aujourd'hui, c'est en grande partie grâce à son ingénieux système de toit rétractable, véritable prouesse technique pour l'époque. Ce hardtop monobloc en métal pouvait pivoter de 90 degrés vers l'arrière avant de se loger complètement derrière les sièges, transformant la voiture de coupé en spider en quelques secondes.

Le système, breveté par Bertone, présentait l'avantage d'une simplicité d'utilisation remarquable : entièrement mécanique, sans assistance électrique ni hydraulique, il pouvait être actionné depuis l'habitacle sans effort particulier. Cette solution élégante évitait les complications techniques et l'encombrement des mécanismes plus complexes.

Il faudra attendre les années 2010 pour que Ferrari reprenne un concept similaire sur sa 458 Spider, avec un hard-top rétractable utilisant une configuration comparable – preuve que l'innovation de Bertone avait près de 35 ans d'avance sur son temps.

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Un héritage préservé

Après des décennies d'oubli relatif, la Rainbow connaît aujourd'hui une seconde vie. Suite à la faillite de Bertone il y a une dizaine d'années, la collection du carrossier italien a été dispersée. La Rainbow a heureusement été sauvée par l'ASI (Automotoclub Storico Italiano), qui l'a préservée au sein de sa collection Bertone.

Récemment, cette pièce unique a retrouvé le devant de la scène en participant au prestigieux Concours d'Élégance de Pebble Beach en août 2023. Elle y apparaissait comme un hommage au génie créatif de Marcello Gandini, disparu peu avant l'événement.

Détails de l'arrière de la Ferrari 308 GT Rainbow Bertone

La Ferrari 308 GT Rainbow représente bien plus qu'une simple étude de style. Elle incarne l'esprit d'innovation des années 70, période dorée du design automobile italien, et illustre la créativité débridée qui régnait alors dans les studios de Bertone. Elle reste aujourd'hui comme une flèche décochée vers un futur que Ferrari n'a finalement pas choisi d'emprunter – un trait d'union visionnaire entre tradition et modernité, entre coupé et spider, entre hier et demain.

La Rainbow demeure ce qu'elle a toujours été : un exemplaire unique, témoignage précieux d'une brève mais fructueuse collaboration entre deux géants de l'industrie automobile italienne, et peut-être l'une des plus audacieuses interprétations jamais réalisées du mythe Ferrari.