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Ferrari champion du monde d'endurance : 53 ans d'attente pour retrouver le sommet

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Un demi-siècle. C'est le temps qu'il aura fallu au Cheval Cabré pour renouer avec la gloire mondiale en endurance. Et pendant que la Scuderia peine en Formule 1, Maranello fait résonner ses cloches pour célébrer un double titre historique.

texte Geoffroy Barre
photo Ferrari, RM Sotheby's

Les 8 Heures de Bahreïn du 2 novembre 2025 resteront gravées dans les annales de Maranello. Sur le circuit de Sakhir, sous le regard attentif de John Elkann, président de Ferrari, la 499P n°51 d'Alessandro Pier Guidi, James Calado et Antonio Giovinazzi a franchi la ligne d'arrivée en quatrième position. Ce résultat suffisait amplement pour offrir au constructeur italien son premier titre de champion du monde d'endurance depuis 1972, soit exactement 53 années d'attente. Tandis que Toyota signait un doublé sur cette ultime manche de la saison WEC, Ferrari empochait les deux couronnes suprêmes : celle des pilotes pour l'équipage de la n°51, et surtout celle tant convoitée des constructeurs avec 245 points, loin devant Toyota et ses 171 unités.

Le sacre sous les projecteurs de Bahreïn

La dernière manche du Championnat du Monde d'Endurance FIA 2025 se déroulait dans des conditions singulières. Ferrari abordait ces huit heures nocturnes avec une avance confortable au championnat, fruit d'une saison remarquablement cohérente ponctuée notamment d'une troisième victoire consécutive aux 24 Heures du Mans. L'objectif était limpide : ne pas commettre d'impair et ramener les deux titres à la maison. Mission accomplie, même si le scénario ne fut pas de tout repos.

Dès les qualifications, Toyota avait monopolisé la première ligne, affichant ses ambitions pour cette ultime course. Les GR010 Hybrid n°7 et n°8 dominèrent effectivement l'essentiel des débats, la numéro 7 de Mike Conway, Kamui Kobayashi et Nyck de Vries s'imposant finalement devant sa jumelle, offrant à la marque japonaise sa première victoire de la saison. Un succès d'autant plus savoureux qu'il constituait également le chant du cygne de la GR010 actuelle.

Les 499P ont dominé la saison 2025 - photo Ferrari

Pour Ferrari, la stratégie était claire : assurer. Les deux 499P officielles, la n°50 d'Antonio Fuoco, Miguel Molina et Nicklas Nielsen, et la n°51 des futurs champions, ont parfaitement géré leur course. Une période de voiture de sécurité à mi-parcours, provoquée par un contact entre la Cadillac de Jenson Button et une Ferrari LMGT3, permit à l'Aston Martin Valkyrie de brièvement prendre la tête, mais l'avantage britannique fut éphémère. Dans les ultimes tours, Ferrari orchestra même un échange de positions entre ses deux voitures.

Alessandro Pier Guidi et James Calado ajoutaient ainsi un titre Hypercar à leur palmarès déjà garni de trois couronnes en catégorie LMGTE, remportées en 2017, 2021 et 2022. Pour Antonio Giovinazzi, ancien pilote Alfa Romeo en Formule 1 discrètement remercié fin 2021, ce sacre prenait une saveur particulière. Qui aurait parié sur un titre mondial pour l'Italien quelques années plus tôt ? L'endurance offrait sa revanche au pilote de Martina Franca.

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La 499P, une machine à gagner entrée dans la légende

Depuis son apparition en 2023 dans la nouvelle ère Hypercar du WEC, la Ferrari 499P n'a jamais été battue aux 24 Heures du Mans. Trois participations, trois victoires. La 499P s'inscrit ainsi dans la lignée des machines légendaires de l'endurance : la Ford GT40 des années 1960, la Porsche 956 et 962 des années 1980, l'Audi R8 des années 2000.

L'esthétique de la 499P évoque celle des prototypes historiques de la marque, avec son nez effilé et ses formes sensuelles typiquement ferraristes, tout en intégrant les contraintes aérodynamiques contemporaines.

Le prototype italien, développé sous la houlette d'Antonello Coletta, responsable des activités GT et Endurance de Ferrari, marie intelligemment un V6 biturbo atmosphérique de 3 litres à un système hybride sophistiqué. Cette architecture répond au règlement LMH (Le Mans Hypercar) instauré en 2021 pour attirer les grands constructeurs dans une nouvelle ère de l'endurance. L'esthétique de la 499P évoque celle des prototypes historiques de la marque, avec son nez effilé et ses formes sensuelles typiquement ferraristes, tout en intégrant les contraintes aérodynamiques contemporaines.

Dans la nuit de Bahreïn, Ferrari ne gagne pas mais décroche les titres

La saison 2025 permit à Ferrari d'afficher une régularité redoutable sur l'ensemble des huit manches du calendrier. Outre le triomphe manceau, la marque signa plusieurs podiums et démontrait une fiabilité sans faille, vertu cardinale en endurance. Cette constance contraste singulièrement avec les performances erratiques de la Scuderia en Formule 1, où Ferrari termine cette même année 2025 au quatrième rang du championnat constructeurs, derrière McLaren, Red Bull et Mercedes (pour le moment). Un parallèle troublant avec 1972, année du précédent titre en endurance, où la Scuderia occupait déjà... la quatrième place du championnat de Formule 1.

1972, l'année de la 312 PB triomphante

Pour mesurer l'ampleur de cet accomplissement 2025, il faut replonger dans les archives de 1972. Cette année-là, Ferrari dominait le Championnat du Monde d'Endurance avec une autorité absolue. Sur onze rendez-vous au calendrier, la 312 P décrochait dix victoires. Buenos Aires, Daytona, Sebring, Brands Hatch, Monza, Spa-Francorchamps, Palermo, Nürburgring, Österreichring, Watkins Glen : partout, le rouge de Maranello triomphait. Au classement final, Ferrari totalisait 160 points, soit 75 longueurs d'avance sur Alfa Romeo. Une domination écrasante.

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Les pilotes qui prirent place dans la 312 P formaient un casting de légendes : Mario Andretti, futur champion du monde de Formule 1 en 1978, Jacky Ickx, déjà sextuple vainqueur du Mans, Clay Regazzoni, Brian Redman, Ronnie Peterson, Tim Schenken, Arturo Merzario et Sandro Munari. Sous la direction de l'ingénieur Mauro Forghieri, la 312 P évoluait cette saison-là en version PB, le B faisant référence à la configuration boxer de son moteur 12 cylindres à plat de 3 000 centimètres cubes. Ce bloc développait 460 chevaux et dérivait directement des unités de Formule 1, avec lesquelles il partageait de nombreux éléments techniques.

Ferrari 312 PB châssis 0886, vue aux Dix Mille Tours en 2025 - photo RM Sotheby's

Pourtant, dans cette saison quasi parfaite, une absence notable ternissait le tableau : Ferrari ne participa pas aux 24 Heures du Mans. Cette décision, qui peut sembler incompréhensible rétrospectivement, s'expliquait par des considérations purement techniques. Le moteur dérivé de la Formule 1, parfait pour les épreuves de type sprint ou les courses de 1 000 kilomètres, n'avait jamais réussi à terminer une simulation complète de 24 heures lors des essais. Les ingénieurs de Maranello, conscients de cette fragilité, préférèrent déclarer forfait plutôt que de risquer un abandon humiliant. « Ferrari ne participera pas aux prochaines 24 Heures du Mans », annonçait sobrement le communiqué de presse daté du 31 mai 1972. « Cette décision est uniquement motivée par le fait que la course française ne peut s'intégrer dans le programme technique et sportif de la Ferrari 312 P, qui se concentre sur un championnat du monde des voitures de sport comprenant des courses de 1 000 km ou de six heures. »

Enzo Ferrari lui-même, à l'encre violette qui le caractérisait, rédigea plusieurs notes officielles conservées précieusement dans les archives de Maranello. Il écarta même la possibilité qu'une 312 P soit engagée par la N.A.R.T., l'équipe américaine soutenue par la marque : « Aucune des sept 312 P Boxer construites n'a été vendue ou prêtée », précisait un courrier du 5 juin 1972. Cette année-là, Matra-Simca s'imposa donc au Mans, tandis que cinq Ferrari 365 GTB/4 privées se classèrent dans le top 10, dont celle de Jean-Claude Andruet et Claude Ballot-Léna, cinquième au général et victorieuse de sa classe.

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Un retour triomphal après un demi-siècle d'absence

Après le titre 1972, Ferrari quitta progressivement le sommet de l'endurance pour se concentrer exclusivement sur la Formule 1, où les enjeux marketing et médiatiques primaient désormais. Les années 1980 et 1990 virent d'autres constructeurs briller au Mans et dans les championnats d'endurance : Porsche domina deux décennies durant, Jaguar connut une brève apogée, Peugeot et Audi écrivirent leurs propres pages de gloire dans les années 2000 et 2010. Ferrari se contentait d'engagements en catégorie GT, remportant certes plusieurs titres en LMGTE, mais sans jamais retrouver le prestige des prototypes d'antan.

Le retour au sommet fut longuement mûri. Lorsque la FIA et l'ACO annoncèrent la création de la catégorie LMH pour 2021, ouvrant la porte à une nouvelle génération de prototypes hybriques, Ferrari observa attentivement. Le règlement, plus ouvert que le précédent LMP1, permettait aux constructeurs de développer des machines spectaculaires tout en maîtrisant les budgets grâce à un système d'équilibre des performances. Maranello annonça officiellement son retour en octobre 2021, pour une entrée en lice en 2023.

2026 sera une année de défis, avec un titre à confirmer

La décision fut saluée unanimement dans le monde de l'endurance. Ferrari manquait cruellement au plateau, et son nom évoquait instantanément le prestige, la passion, l'histoire. Le développement de la 499P mobilisa les meilleurs ingénieurs de la marque, puisant dans l'expertise accumulée en Formule 1 tout en respectant les contraintes spécifiques de l'endurance : fiabilité, efficacité énergétique, facilité de réparation. Deux équipages officiels furent constitués, épaulés par des pilotes d'expérience maîtrisant parfaitement les arcanes des courses longues.

La première saison, en 2023, vit Ferrari remporter d'emblée les 24 Heures du Mans. Un coup de maître qui annonçait la couleur. En 2024, nouveau triomphe dans la Sarthe, mais le titre mondial échappa au Cheval Cabré, Toyota se montrant plus régulier sur l'ensemble de la saison. Cette déception servit d'aiguillon pour 2025. L'équipe peaufina chaque détail, améliora la fiabilité, affina les stratégies. Le règlement imposait désormais aux constructeurs d'aligner deux voitures par course, contrainte acceptée par Ferrari qui engagea ses numéros 50 et 51 sur l'intégralité du calendrier.

Photo de famille à l'arrivée

La saison 2025 déroula son fil avec une régularité méthodique. Victoire au Qatar en ouverture, nouveau succès au Mans en juin après les succès à Imola et à Spa-Francorchamps, podiums à répétition sur les autres manches. À l'approche du dénouement bahreïnien, Ferrari comptait 26 points d'avance sur Porsche au championnat constructeurs et 15 sur Toyota.