Lorsque Toyota lance sa campagne « Total Performance » au début des années 90, inspirée directement du programme éponyme de Ford dans les années 60, l'objectif est clair : prouver au monde entier que l'ingénierie japonaise peut rivaliser avec n'importe quelle nation automobile. La Celica ST185, qui succède à la victorieuse ST165 qui avait offert à Carlos Sainz le premier titre mondial pilote de Toyota en 1990, devient l'étendard de cette ambition. Cette troisième génération de Celica à transmission intégrale transforme radicalement la philosophie de la lignée GT-Four, passant d'une sportive efficace à une véritable machine de guerre homologuée.
La mécanique de la victoire : transmission intégrale et châssis révolutionnaire
Sous le capot aluminium aux évacuations d'air caractéristiques se cache le cœur battant de cette révolution mécanique : le moteur 3S-GTE, un quatre cylindres de deux litres suralimenté par turbocompresseur. Il développe 245 chevaux dans sa version homologation la plus radicale (GT-Four RC), soit 45 de plus que la ST165. En version européenne classique, la puissance s'établit à 225 chevaux, avec un couple généreux de 304 Nm disponible dès 3 200 tr/min. L'intercooler air/air monté au sommet et la gestion électronique sophistiquée permettent d'atteindre les 100 km/h en 6,1 secondes, pour une vitesse de pointe de 240 km/h.
L'arme secrète de la ST185 réside dans son système de transmission intégrale perfectionné, hérité de la ST165 mais considérablement amélioré. Le différentiel central à couplage visqueux répartit la puissance entre les essieux avant et arrière de manière progressive, tandis que la version RC bénéficie d'un différentiel arrière Torsen à glissement limité mécanique. Cette architecture, associée à une boîte de vitesses manuelle à cinq rapports aux synchros renforcés (six rapports sur les versions compétition), transforme chaque virage en démonstration de physique appliquée.
Le châssis de la ST185 adopte la plateforme élargie de la Celica GT-S, offrant un empattement de 2 525 mm et une voie élargie de 1 510 mm à l'avant comme à l'arrière. Cette architecture permet de chausser des jantes de 16 pouces, révolutionnaires pour l'époque, et surtout d'abaisser le centre de gravité. La suspension entièrement indépendante à jambes MacPherson, renforcée par des barres anti-dévers dimensionnées pour la compétition, procure un équilibre remarquable entre confort et efficacité.
Mais c'est surtout dans le développement que la ST185 révèle son génie. « Les nouveaux ingénieurs étaient tous d'ex-Audi, et concevaient ce nouveau concept de suspension en aluminium », se souvient Don Woolfield, mécanicien chez Toyota Team Europe. « Le plus gros problème qu'ils ont trouvé avec la conception plus lourde en acier était le 'recul des plaquettes' [les plaquettes de frein étant progressivement repoussées du disque], alors ils voulaient passer à un système léger. » Cette mise au point « en direct » explique pourquoi Carlos Sainz a d'abord peiné : « Tout le monde pensait 'Le châssis est trop rigide', mais c'étaient en fait les tubes d'amortisseurs en aluminium qui fléchissaient », précise Woolfield dans Motorsport Magazine.
Domination mondiale : trois titres consécutifs et une légende
L'histoire retiendra que la Toyota Celica ST185 a remporté trois Championnats du Monde des Constructeurs consécutifs, de 1992 à 1994, établissant définitivement Toyota parmi les constructeurs de référence en rallye. Cette période dorée débute difficilement : les premiers résultats de Sainz en 1992 révèlent des problèmes de flexion des tubes d'amortisseurs en aluminium donc, jusqu'à ce que l'équipe comprenne enfin l'origine de ces mystérieux dysfonctionnements.
1993 marque l'apogée de la ST185 avec la nouvelle livrée verte et rouge Castrol, l'arrivée de Juha Kankkunen – triple Champion du Monde – et surtout le passage aux pneumatiques Michelin. Cette saison exceptionnelle se conclut par sept victoires en treize manches, un quadruplé historique Toyota au Safari Rally du Kenya et les titres pilote et constructeur.
L'année 1994 confirme cette suprématie avec Didier Auriol, premier Français sacré Champion du Monde des Rallyes au volant de la Celica. « Quand Auriol a gagné au Monte-Carlo en 1993, c'était comme si quelqu'un avait allumé des cierges pour nous », se souvient Woolfield. Selon Nicky Grist, copilote de Kankkunen et propriétaire actuel d'une ST185, la clé résidait dans l'adaptabilité : « Auriol était plutôt un pilote à sous-virage et Kankkunen plutôt à survirage, mais la voiture était si réglable que nous pouvions la configurer selon leurs souhaits. Une fois que nous avons éliminé tous les défauts, elle était très difficile à battre. »
Un patrimoine accessible : prix, fiabilité et perspectives de collection
Aujourd'hui, une Toyota Celica ST185 GT-Four s'acquiert entre 15 000 € pour un exemplaire nécessitant une restauration et 35 000 € pour une version RC parfaitement préservée. Les modèles européens classiques évoluent généralement entre 20 000 et 28 000 €, selon leur état et leur kilométrage. Cette accessibilité relative par rapport à ses concurrentes directes – Lancia Delta Integrale ou Subaru Impreza WRX – en fait une opportunité remarquable pour les collectionneurs avisés.
La fiabilité constitue l'un des atouts majeurs de la ST185. Le moteur 3S-GTE, correctement entretenu, franchit aisément le cap des 300 000 kilomètres. Les points de vigilance concernent principalement la turbocompression (remplacement du turbo vers 150 000 km), les joints de culasse et l'entretien scrupuleux du système de transmission intégrale. La disponibilité des pièces reste excellente, Toyota ayant produit la ST185 jusqu'en 1999. Acheter des pièces de Toyota Celica est assez simple.
La Celica ST185 s'inscrit parfaitement dans la lignée des grandes Toyota sportives, entre la Supra A70 de première génération et la mythique A80 qui lui succédera. Elle partage avec la MR2 SW20 contemporaine cette philosophie de la performance accessible, mais se distingue par sa polyvalence et son héritage compétition authentique. Contrairement à la Subaru Impreza qui la remplacera sur les spéciales, la ST185 conserve cette élégance japonaise caractéristique, mélange subtil entre agressivité fonctionnelle et raffinement esthétique.