Lorsque Porsche dévoile le Boxster 986 en 1996, les puristes grincent des dents. Ce roadster à moteur central, premier modèle refroidi par eau de l'histoire moderne de la marque, ose partager des composants avec la sacro-sainte 911. Pire encore, ses phares ovales – rapidement surnommés « fried eggs » par les Anglo-Saxons – provoquent des débats enflammés dans les clubs Porsche. Pourtant, près de trois décennies plus tard, c'est précisément cette première génération du Boxster qui attire les créateurs les plus visionnaires. Sa plateforme solide, son architecture équilibrée et son prix devenu accessible en font la base idéale pour des transformations qui vont du sublime au délirant, du tribut historique à l'expérimentation technique la plus radicale.
Entre les mains d'artisans belges, hollandais, américains ou slovaques, le modeste roadster de Stuttgart se métamorphose en hypercar de 625 chevaux, en réinterprétation artisanale d'un mythe des années 1950, en shooting brake anachronique ou en 911 vintage. Ces projets partagent une conviction commune : sous la carrosserie controversée du 986 se cache l'une des plateformes les plus polyvalentes jamais conçues par Porsche. Exploration de six créations qui prouvent que le génie automobile ne connaît pas de limites – surtout quand il s'agit de réinventer l'incompris.
Quand le Boxster vient défier les supercars
Dans l'atelier belge de Mecanic Import, un Boxster de 1997 a subi une transformation qui le place au rang des créations les plus extrêmes jamais réalisées sur base Porsche. L'objectif ? Créer une machine de piste ultra-légère capable d'humilier des voitures au pedigree bien plus prestigieux. Le résultat dépasse toutes les espérances avec une masse finale de 980 kilogrammes seulement, soit près de 300 kilos de moins qu'un Boxster S d'origine.

Cette métamorphose radicale commence par un dépouillement systématique. Chaque panneau de carrosserie d'origine est remplacé par son équivalent en Kevlar et fibre de carbone. Cette approche, empruntée aux constructeurs de prototypes de compétition, permet d'alléger considérablement la structure tout en préservant – voire en améliorant – la rigidité torsionnelle de l'ensemble. À l'intérieur, le luxe relatif du Boxster de série cède la place à l'ascétisme fonctionnel des véritables voitures de course : arceau de sécurité entièrement soudé, tableau de bord numérique, sièges baquets minimaux.

Mais la légèreté ne représente que la moitié de l'équation. Sous le capot arrière bat désormais un flat-six de 3,6 litres biturbo développant 625 chevaux – une puissance qui aurait semblé absurde sur un Boxster d'origine. Le système de refroidissement, entièrement repensé sur mesure, gère les températures extrêmes générées par cette cavalerie déchaînée. Les freins à grands disques, avec étriers AP à l'avant et Brembo à l'arrière, assurent un pouvoir d'arrêt à la hauteur des performances. L'ABS Bosch Motorsport, les roues de 18 pouces à blocage central et le système de cric pneumatique complètent une transformation qui efface toute trace du roadster de loisir d'origine.
L'héritage de James Dean revisité sur base Boxster
L'histoire du projet 986-550 commence par une conversation entre passionnés, plusieurs bouteilles de bon vin et une question apparemment simple : comment s'offrir l'expérience d'une Porsche 550 Spyder sans débourser les millions qu'exigent les 101 exemplaires originaux ? Pour David Howard, collectionneur Michigan possédant déjà une belle collection de Porsche allant d'une 356C à une Cayman en passant par une 964 RS America, la réponse ne pouvait être une simple réplique en fibre de verre. « C'est un 2003 Boxster S qui a été recorporé comme une 550 Spyder de 1955 » explique-t-il patiemment aux curieux attirés par sa création argentée.
Ce qui aurait pu rester une conversation de comptoir est devenu une odyssée de huit ans grâce à deux artisans exceptionnels. Darin Irvine, diplômé de la Kendal School of Art and Design et héritier d'une tradition familiale de construction de hot rods, apporte son expertise en façonnage d'aluminium. JP van Raalte, propriétaire du Van's Garage à Leland – une institution familiale depuis 1933 reconvertie dans la restauration de Porsche – complète l'équipe avec sa maîtrise mécanique. Ensemble, ils vont transformer un Boxster S moderne en tribut roulant aux légendes de Carrera Panamericana.
Le processus débute en janvier 2007 par un dépouillement méthodique. Tous les panneaux extérieurs disparaissent, de même que le lourd cadre de pare-brise du Boxster. Des supports latéraux redessinés remplacent les structures d'origine, garantissant la rigidité nécessaire tout en permettant la ligne basse caractéristique de la 550. Irvine dessine alors des proportions 550 adaptées au châssis plus large du 986 – un exercice délicat d'équilibre entre fidélité historique et réalité technique. Un dessin à l'échelle 1:1 couvre bientôt le mur de l'atelier, servant de plan directeur pour les mois à venir.

La rencontre fortuite avec Mike Kleeves, en train de fabriquer une réplique exacte de 550A à partir d'un original de la Collier Collection, apporte des mesures précieuses. Mais contrairement aux répliques traditionnelles, ce projet ne cherche pas l'exactitude muséale. Les portes conservent les ouvertures d'origine du Boxster, simplement habillées de nouvelles peaux aluminium façonnées sur des formes en bois usinées par Thomas & Milliken Millwork. Chaque panneau, d'une épaisseur de 0,063 pouces en aluminium 3003, est d'abord soudé de l'intérieur, puis repris et travaillé au marteau jusqu'à obtenir les courbes parfaites.
Les roues illustrent cette approche pragmatique : plutôt que de chercher des jantes vintage inadaptées, Irvine dessine des centres de roues à l'esthétique mécanique d'époque, qu'Alan Meredith usine avant de les monter sur les jantes Sport Design 18 pouces du Boxster. Les pneus Michelin Pilot Sport en dimension non-standard (235/50ZR18) ajoutent les flancs hauts nécessaires pour remplir visuellement les grands passages de roue de la 550. À l'avant, des réflecteurs halogènes conçus pour une Ford 1934 prennent place dans des cerclages en laiton chromé façonnés main, recouverts de Lexan moulé sur mesure par Great Lakes Aero Products.
Après 500 miles d'essais à l'automne 2010 – pare-brise ou non, le Michigan hivernal ne décourage pas les testeurs –, le pare-brise définitif est créé à partir de coins inférieurs de Jaguar E-Type et de laiton forgé main. Tracy van Raalte coud l'intérieur en cuir bordeaux tandis que JP équilibre le châssis en tenant compte du poids du conducteur.
Du roadster au break de chasse
Aux Pays-Bas, Van Thull Development a osé l'impensable : transformer le Boxster en shooting brake. Cette entreprise spécialisée en carrosserie composite a collaboré avec Fontys Minor Motorsport Engineering pour réaliser ce qui ressemble d'abord à une provocation, puis se révèle une réflexion pertinente sur la polyvalence. Pourquoi un shooting brake sur base Boxster ? Parce que la position du moteur sur l'essieu arrière, souvent présentée comme un obstacle, devient ici une opportunité de créer un profil unique.
La transformation commence par un dépouillement sélectif. Les portes et vitres latérales proviennent d'une Porsche 996, créant une cohérence stylistique avec l'univers 911 tout en assurant un ajustement correct. Le hayon arrière – élément central de tout shooting brake – est emprunté à une Peugeot, démontrant que l'ingéniosité compte plus que le prestige des pièces détachées. Les feux avant adoptent les optiques rondes de la 997, abandonnant les controversés « œufs au plat » d'origine, tandis que les feux arrière de la 991 s'intègrent harmonieusement à la nouvelle poupe.

Le toit rigide sur mesure, qui remplace la capote souple et s'étend jusqu'à l'arrière, intègre une vitre latérale issue d'une voiture non spécifiée (peut-être Volvo) complète d'un essuie-glace. Les vitres de custode semblent également empruntées à la 911, tissant ce fil conducteur stylistique qui transforme le Boxster en membre alternatif de la famille.
Van Thull Development prévoit de commercialiser cette conversion en kit, permettant aux propriétaires de 986 d'effectuer eux-mêmes la transformation. Cette démocratisation du shooting brake – carrosserie traditionnellement réservée aux marques britanniques haut de gamme et désormais adoptée par Porsche avec la Panamera Sport Turismo – témoigne d'une tendance plus large. Dans un monde où les SUV dominent au nom de la praticité, le shooting brake sur base sportive propose une alternative élégante : conserver les qualités dynamiques du Boxster tout en ajoutant une modeste capacité de chargement.

Le résultat interpelle. Certains y voient un blasphème, d'autres une réinterprétation audacieuse. Mais au-delà des opinions esthétiques, ce projet soulève une question pertinente : pourquoi l'industrie automobile a-t-elle abandonné les carrosseries alternatives au profit d'une uniformité SUV ? Le Boxster Shooting Brake de Van Thull ne prétend pas révolutionner le secteur, mais il rappelle qu'avec créativité et savoir-faire, les possibilités restent infinies.
Le Boxster n'est qu'une 911 cabriolet ?
De Bratislava, la firme Hederik Design propose une approche différente : plutôt que de créer quelque chose de nouveau, pourquoi ne pas transformer le Boxster en ce qu'il aurait toujours dû être – une 911 Cabriolet vintage ? Leur kit carrosserie en polyester applique littéralement une nouvelle peau sur le 986, lui donnant l'apparence d'une 911 des années 1960. Pour 9.900 euros hors frais de port, auxquels s'ajoutent les heures d'installation et la peinture complète, n'importe quel propriétaire de Boxster première génération peut ainsi voyager dans le temps.

L'illusion n'est pas parfaite – impossible de cacher complètement que le moteur se trouve en position centrale arrière plutôt que porte-à-faux arrière. L'arrière du Boxster reste plus long que celui d'une authentique 911, trahissant son architecture différente. Mais à distance, l'effet fonctionne remarquablement bien. Les proportions générales, la ligne de toit, les passages de roue : tout évoque cette époque où les 911 n'étaient pas encore les références technologiques qu'elles sont devenues, mais des sportives à l'élégance intemporelle.
Cette transformation soulève une question philosophique fascinante. Le Boxster 986 a toujours été critiqué pour être « une 911 de pauvre », accusation injuste qui ignore ses qualités dynamiques propres – certains puristes considèrent d'ailleurs l'équilibre central-arrière supérieur au porte-à-faux de la 911. Avec le kit Hederik, le Boxster assume pleinement cette filiation tout en la renversant : plutôt que d'imiter la 911 moderne, il se transforme en 911 classique, celle d'avant les controverses sur la refroidissement liquide ou le partage de plateformes.

Le budget final – Boxster d'occasion, kit, installation, peinture – reste bien inférieur au prix d'une authentique 911 de collection en bon état. Mais l'objectif n'est pas de tromper. Comme pour le projet 550 de David Howard, il s'agit de capturer une essence, une ambiance, une époque. Dans une ère où la nostalgie automobile se monnaye à prix d'or, où une Singer réinterprétation peut dépasser le demi-million de dollars, l'approche Hederik offre une accessibilité rafraîchissante au style vintage Porsche.
L'ultra-large vision américaine
À Houston, Texas, Miles Works USA adopte une philosophie opposée : plutôt que de déguiser le Boxster en autre chose, pourquoi ne pas exagérer ce qu'il est déjà ? Leur kit Ultrawide Body Version 1 transforme le roadster en declaration d'intention musculeuse. Pour 6.000 dollars, le kit comprend bumpers avant et arrière, paires de fenders avant et arrière, paires de jupes latérales et couvre-capot de coffre arrière. La Version 1 conserve le design de bumper avant original, similaire au kit Carrera, créant une cohérence visuelle avec la gamme 911.

Cette approche « widebody » – carrosserie élargie – s'inspire directement de la culture automobile américaine où l'excès visuel symbolise la performance. Contrairement aux créations européennes qui privilégient la subtilité ou le tribut historique, Miles Works assume pleinement l'exubérance. Le kit nécessite des adhésifs/collages automobiles pour fixer fenders, couvercle de coffre et jupes latérales. Le bumper arrière est conçu pour un échappement à sortie centrale de WaspTech, bien que d'autres systèmes puissent fonctionner moyennant ajustements.
Fabriqué artisanalement, chaque kit porte la marque de sa création manuelle. Miles Works fournit des instructions d'installation après achat, bien qu'une pose professionnelle soit recommandée – comprendre : fortement conseillée sauf si vous maîtrisez parfaitement le travail de la fibre de verre et les techniques de collage structurel. L'entreprise précise que ses produits sont « uniquement pour usage hors-route », mention légale courante aux États-Unis pour les modifications substantielles.

Le kit Ultrawide Version 1 ne prétend pas transformer le Boxster en autre chose. Il l'amplifie, l'élargit, le rend plus présent. Dans une culture où la discrétion n'a jamais été une vertu automobile, cette approche trouve son public. Et pour ceux qui trouvent que leur Boxster manque de présence sur route, 6.000 dollars représentent un investissement modeste comparé à un changement de modèle.
Quand Audi rencontre Porsche dans le Boxster
À Dawsonville, Géorgie, Motor Werks Racing (MWR) a réalisé ce que beaucoup considèrent comme une hérésie mécanique : transplanter un moteur Audi quatre-cylindres turbo dans un Boxster. Mais lorsque ce moteur développe 550 chevaux, et que l'ensemble ne pèse que 1.025 kg, l'hérésie devient performance pure.

Le cœur de cette création est un quatre-cylindres Audi 20 soupapes de 2,1 litres lourdement modifié. Motor Werks Racing a reconstruit le moteur avec bielles forgées, turbocompresseur, arbres à cames, doubles ressorts de soupapes, cuvettes titane et soupapes. L'injection eau/méthanol complète cette architecture destinée à supporter des pressions de suralimentation extrêmes. Cette approche contraste radicalement avec la philosophie flat-six atmosphérique de Porsche, mais elle illustre une tendance croissante : l'ouverture aux swaps moteurs audacieux.
La transmission reste la boîte manuelle d'origine du 986, accouplée au moteur Audi via des demi-arbres personnalisés MWR. Cette conservation de la transmission Porsche garantit la fiabilité tout en simplifiant l'intégration mécanique – créer une nouvelle transmission de toutes pièces dépasserait largement le budget et la complexité acceptables. Les suspensions Motion Control à réservoirs distants, avec plaques de carrossage usinées, s'associent à des bras de contrôle MWR en deux pièces ajustables et des pneus Michelin Pilot Super Sport (245/35 R19 avant, 295/30 R19 arrière) pour exploiter la puissance disponible.

Ce projet interroge notre conception de l'identité automobile. Un Boxster Porsche reste-t-il Porsche sans moteur Porsche ? Les puristes crient au sacrilège, mais les pragmatiques soulignent que le châssis, la transmission et l'ADN dynamique du Boxster demeurent intacts. Le moteur Audi, plus compact et plus léger qu'un flat-six équivalent en puissance, améliore même la répartition des masses. Et avec 550 chevaux pour à peine plus d'une tonne, ce Boxster modifié surpasse largement n'importe quelle version d'usine – même la Boxster Spyder.






