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Mazda Cosmo Sport : quand le moteur rotatif bi-rotor arrive en série

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Dans les années 60, Mazda a décidé de défier les lois de la physique : la Mazda Cosmo Sport 110S, commercialisée dès mai 1967, allait devenir une sorte d'ovni, embarquant un moteur à la technologie inédite..

texte Geoffroy Barre

photo Bonhams / Mazda

Entre 1967 et 1972, Mazda ne produisit que 1 176 exemplaires de cette sportive d'exception, tous en conduite à droite et exclusivement destinés au marché japonais. Derrière cette rareté se cache pourtant une révolution technique majeure ; si NSU avait ouvert la voie avec sa Spider équipée d'un moteur mono-rotor Wankel dès 1964, la Cosmo Sport fut le premier véhicule de série au monde équipé d'un moteur Wankel bi-rotor, devançant de quelques semaines la NSU Ro 80 dans cette course à l'innovation. Cette sportive nippone aux allures de soucoupe volante incarnait l'audace d'un constructeur prêt à parier sur une technologie aussi prometteuse qu'incertaine. Avec ses lignes futuristes rappelant un croisement entre une Lancia Fulvia et une Ford Thunderbird, et sa carrosserie largement constituée d'aluminium, la Cosmo Sport annonçait une nouvelle ère pour l'automobile japonaise.

Le projet L402A et sa technique révolutionnaire

Le projet Cosmo fut lancé en décembre 1962 par Mazda, qui comptait parmi les premiers acquéreurs de licence de la technologie développée par Felix Wankel. En juillet 1963, Mazda achevait son premier prototype de moteur bi-rotor, suivi en août du premier prototype roulant du Cosmo Sport. Cette création fut dévoilée au public en octobre 1963 lors du salon de Tokyo, sous l'appellation « Projet L402A », créant immédiatement la sensation.

Incroyable profil de la Mazda Cosmo Sport

L'évolution technique du moteur témoigne de la minutie japonaise. Le prototype L8A initial disposait d'un volume de chambre de 2 × 398 cm³ et utilisait encore des admissions latérales et périphériques combinées. Il fut rapidement remplacé par le L10A, dont le volume de chambre fut porté à 2 × 491 cm³, soit un volume de travail total de 982 cm³. Les ingénieurs éliminèrent les admissions périphériques au profit de deux admissions latérales supplémentaires dans les parties avant et arrière du moteur, améliorant significativement le couple et la conduite à bas régime.

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Mazda Cosmo Sport L10A 1967-1968

Cette mécanique révolutionnaire développait 110 chevaux à 7 000 tr/min dans sa première version L10A. Contrairement aux déboires rencontrés par NSU, les Japonais parvinrent à éviter la plupart des problèmes de joints d'étanchéité et de température qui handicapaient la technologie européenne. Le moteur bi-rotor jouissait d'une douceur remarquable, et permettait à la Cosmo de monter sans problème jusqu'à 8 000 tr/min. Un caractère typiquement Wankel.

Une pionnière méconnue

En avril 1966, Mazda avait déjà produit 80 Cosmo Sport de présérie, dont 60 furent livrés aux concessionnaires japonais pour des tests sur le terrain. Ces véhicules d'essai permirent de valider la technologie dans des conditions réelles d'utilisation, les testeurs rapportant quotidiennement kilométrage, consommation d'essence et consommation d'huile.

La production en série débuta le 30 mai 1967, mais dans des conditions très particulières. Fabriqué en grande partie à la main dans les ateliers d'Hiroshima, la Cosmo Sport était produit au rythme de seulement 30 exemplaires par mois environ. Cette approche artisanale explique les faibles volumes : seuls 343 exemplaires de la première série équipée du moteur L10A virent le jour entre mai 1967 et juillet 1968.

Mazda Cosmo Sport

La seconde génération, introduite le 13 juillet 1968, apportait des améliorations substantielles. Le moteur L10B conservait le même volume de chambre mais voyait sa puissance portée à 128 chevaux grâce à des modifications de distribution. Cette évolution s'accompagnait de changements dimensionnels significatifs : l'empattement gagnait 15 centimètres (de 2 200 à 2 350 mm) tandis que la longueur totale diminuait paradoxalement de 1 centimètre (de 4 140 à 4 130 mm). Le poids augmentait légèrement, passant de 940 à 960 kg, mais les performances s'amélioraient : vitesse maximale de 200 km/h et 0 à 400 mètres en 15,8 secondes contre 16,3 pour la première série.

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Le début d'une lignée

La validation ultime de cette technologie intervint lors du Marathon de la Route 1968, épreuve d'endurance de 84 heures sur le Nürburgring. Deux Mazda Cosmo Sport y participèrent parmi 60 concurrents, parvenant longtemps à tenir les quatrième et cinquième places. Si l'une abandonna après 82 heures, l'autre termina brillamment quatrième au général, prouvant la fiabilité du moteur Wankel japonais dans les conditions les plus extrêmes.

« La Cosmo et la RX-8 fascinent tant par leur beauté que par leur technologie exceptionnelle », résume parfaitement Walter Frey, collectionneur passionné possédant l'un des quatre exemplaires présents en Europe. Cette fascination perdure aujourd'hui, d'autant que seulement 36 véhicules furent officiellement exportés sous la dénomination « 110 S », dont à peine 11 pour l'Europe.

Cosmo 21 Concept de 2002

La production cessa en septembre 1972 après 833 exemplaires de seconde série, portant le total à 1 176 véhicules de série. Ce chiffre mystérieux intrigue encore les spécialistes, car l'analyse des numéros de châssis suggère une production bien supérieure, atteignant potentiellement 1 841 unités si l'on inclut les numéros manquants et les véhicles d'exportation non comptabilisés.

La Cosmo Sport légua son nom à une lignée de modèles Mazda produits jusqu'en 1995, mais surtout, elle ouvrit la voie aux futures RX qui porteraient l'étendard du moteur rotatif jusqu'à la RX-8, disparue en 2012. En 2002, Mazda rendit hommage à son ancêtre avec l'étude Cosmo 21, reprenant l'esthétique de la 110S sur une base de MX-5 équipée du moteur Wankel de la RX-8. Aujourd'hui, un exemplaire en bon état atteint facilement les 100 000 € aux enchères. Le prix de la vénération dont jouit cette pionnière qui osa défier les conventions de son époque.