Marques et modèles cultes > Lancia Thesis, échec commercial devenu objet de collection

Lancia Thesis, échec commercial devenu objet de collection

Marques et modèles cultes

À l'heure où Stellantis réfléchit à l'avenir de Lancia, la Thesis nous rappelle que le luxe automobile italien ne se résume pas à Ferrari ou Maserati.

texte Mathias Pivert
photo Lancia

Elle devait être la renaissance du luxe à l'italienne, mais s'est transformée en erreur de calcul grandiose. La Thesis, cette berline aussi baroque que raffinée, mérite aujourd'hui bien plus que le simple statut d'échec commercial.

Une naissance sous le signe de l'ambition

Quand la Lancia Thesis est dévoilée au Salon de Genève en 2001, le monde automobile assiste à une véritable déclaration d'intention. Après l'échec relatif de la Kappa, Fiat décide de redonner ses lettres de noblesse à la marque Lancia en lui offrant une berline de prestige sans compromis. Le projet commence en 1996 sous la direction de Mike Robinson, responsable du design, et aboutit d'abord au concept-car Dialogos présenté au Salon de Turin en 1998. Ce prototype futuriste imagine déjà la voiture comme une "bulle salubre", un véritable salon roulant pensé pour le bien-être de ses occupants.

Coucou la Thesis

La Thesis qui en découle s'inspire ouvertement des grandes Lancia du passé, notamment de l'Aurelia des années 50. Sa silhouette néo-rétro se distingue radicalement des concurrentes allemandes avec sa calandre proéminente, ses feux arrière verticaux à LED (parmi les premiers du genre sur une voiture de série) et son style délibérément baroque. Cette audace stylistique divise immédiatement l'opinion : sublime pour certains, déroutante pour d'autres.

La voiture repose sur une plateforme totalement exclusive, ce qui constitue probablement sa première erreur stratégique. À une époque où les économies d'échelle deviennent cruciales, ce choix alourdit considérablement le coût de développement, estimé à plus de 400 millions d'euros. Un investissement qui ne sera jamais rentabilisé avec seulement 16 000 exemplaires produits pendant toute sa carrière, entre 2002 et 2009, alors que les projections initiales visaient 25 000 unités par an.

À voir aussi  Une Lancia Stratos à vendre (1974, 14 900 kilomètres)

Un écrin technologique et raffiné

Si la ligne divise, l'intérieur fait l'unanimité. La Thesis propose un habitacle d'une élégance rare, où le savoir-faire italien s'exprime pleinement. Les matériaux sont nobles : cuir Poltrona Frau, bois précieux, alcantara et même un tissu de laine évoquant le légendaire "Panno Lancia" d'antan. Les sièges, conçus avec l'aide du professeur Dal Monte, un physiologue de renom, représentent l'état de l'art en matière d'ergonomie. En option, ils peuvent être chauffants, ventilés et massants.

Intérieur de la Lancia Thesis

Côté technologique, la Thesis ne lésine pas sur les équipements. Elle introduit le système de suspension Skyhook à contrôle électronique développé par Sachs, qui ajuste la fermeté des amortisseurs en fonction du type de route et de la charge. Le système Connect Nav+ intègre navigation, téléphone et même télévision. Plus ingénieux encore, le toit ouvrant peut être équipé de panneaux solaires alimentant la climatisation à l'arrêt, sans décharger la batterie.

La sécurité n'est pas en reste avec huit airbags, ABS, ESP, contrôle de traction et phares au xénon de série sur toutes les versions. Un équipement qui rivalise sans complexe avec les meilleures berlines allemandes du moment, comme la Mercedes Classe S ou la BMW Série 7.

Lancia Thesis Stola limousine

La Thesis a également servi les plus hautes instances de l'État italien, avec des versions Protecta blindées et même une rare version limousine développée par le carrossier Stola. Une tradition qui rappelle le temps où les Flaminia et autres Aurelia sillonnaient les rues de Rome transportant ministres et dignitaires.

Une mécanique en demi-teinte

La gamme de motorisations constitue sans doute l'un des points faibles de la Thesis. À l'ouverture des commandes, on trouve un 2,0 litres turbo cinq cylindres de 185 ch, un 2,4 litres atmosphérique de 170 ch, un V6 3,0 litres "Busso" d'origine Alfa Romeo de 215 ch (remplacé plus tard par un 3,2 litres de 230 ch), et un diesel 2,4 JTD de 150 ch.

À voir aussi  10 superbes posters de Lancia Stratos

Si le cinq cylindres turbo se montre vif et agréable, le V6 Busso, malgré sa sonorité envoûtante, peine à mouvoir les 1 800 kg de la berline avec efficacité. Sa courbe de couple, typée sportive avec un maximum atteint à 5 000 tr/min, s'accorde mal avec le caractère feutré de la voiture. Quant au diesel, initialement proposé uniquement avec une boîte manuelle à six vitesses, il manque de raffinement pour une berline de ce standing.

En 2003, une évolution à 20 soupapes du diesel porte sa puissance à 175 ch (puis 185 ch en 2006) et s'accompagne enfin d'une boîte automatique, mais les problèmes de fiabilité de cette transmission Aisin Comfortronic à cinq rapports viennent ternir davantage l'image du modèle.

Un héritage préservé par les collectionneurs

Comme la Gamma avant elle, la Thesis a subi une dépréciation fulgurante, conduisant de nombreux exemplaires à la casse. Pourtant, à l'instar d'autres "outsiders" comme la Renault Vel Satis ou l'Opel Signum, elle connaît aujourd'hui un regain d'intérêt auprès des collectionneurs, particulièrement à l'étranger.

Moderne, rétro, réussie ou ratée ? La Lancia Thesis divise

Cette reconnaissance tardive n'est pas surprenante. La Thesis représente la dernière vraie Lancia de prestige conçue comme telle, avant que la marque ne se contente de rebadger des Chrysler. Elle témoigne d'une audace stylistique et d'un raffinement qui font désormais défaut dans un secteur automobile standardisé. Ses proportions harmonieuses et son élégance intemporelle commencent à être appréciées à leur juste valeur, comme souvent pour les voitures incomprises de leur vivant.

La Lancia Thesis, une certaine idée du luxe à l'Italienne

Pour l'amateur éclairé, l'achat d'une Thesis représente aujourd'hui une opportunité rare : celle d'acquérir une berline de grand standing à un prix dérisoire, entre 3 000 et 8 000 € selon l'état et la motorisation. Les coûts d'entretien potentiellement élevés et la recherche de pièces détachées Lancia spécifiques constituent certes un frein, mais l'investissement pourrait s'avérer judicieux à moyen terme, tant la cote de ce modèle semble promise à une appréciation.

À voir aussi  La Lancia Ypsilon star des ventes... en Italie !

La Thesis incarne une vision alternative du haut de gamme, où le confort, l'élégance et l'originalité prévalent sur les performances pures. Une philosophie que le groupe aurait tout intérêt à ressusciter pour distinguer Lancia dans un marché automobile de plus en plus homogène.