Marques et modèles cultes > Il y a 50 ans, cette Ferrari Dino 246 GTS traversait les États-Unis en un peu plus de 35 heures

Il y a 50 ans, cette Ferrari Dino 246 GTS traversait les États-Unis en un peu plus de 35 heures

Marques et modèles cultes

Quand la vitesse devient légende et qu'une Ferrari écrit l'histoire sur l'asphalte américain. Cette Dino 246 GTS de 1973 n'a pas seulement traversé un continent : elle a pulvérisé tous les records.

texte Mathias Pivert
photo Mecum

En avril 1975, une Ferrari Dino 246 GTS blanche quittait Manhattan pour une course folle vers Los Angeles. Trente-cinq heures et cinquante-trois minutes plus tard, elle entrait dans l'histoire de l'automobile américaine en remportant le Cannonball Baker Sea-to-Shining-Sea Memorial Trophy Dash, cette course clandestine mythique qui inspirera plus tard les films avec Burt Reynolds. Cinquante ans après cet exploit retentissant, cette même voiture, chassis numéro 05984, s'apprête à traverser le bloc d'enchères de Mecum à Monterey le 16 août prochain. Toujours dans son état d'origine, elle porte encore les cicatrices de son épopée transcontinentale et les marquages manuscrits de cette nuit mémorable où deux hommes ont défié l'Amérique au volant d'une italienne de 240 chevaux.

Un record qui tient encore la route

Le 23 avril 1975, Jack May et Rick Cline s'élancent du Red Ball Garage de Manhattan dans leur Ferrari Dino 246 GTS. Leur mission : rallier le Portofino Inn de Redondo Beach en Californie dans le temps le plus court possible. Le défi paraît titanesque sur près de 4 600 kilomètres, mais les deux hommes ne sont pas des novices. May, champion SCCA confirmé, avait délibérément choisi la Dino plutôt que sa Ferrari Daytona 365 GTB/4 pour sa discrétion relative face aux forces de l'ordre.

« La Daytona est bruyante et voyante. La Dino passe beaucoup plus facilement pour autre chose. Elle volait sous les radars », expliquait Jack May dans une récente interview accordée à Magneto Magazine. Cette stratégie de camouflage s'avérera partiellement efficace : malgré une arrestation en Ohio et quelques contrôles, les deux pilotes maintiennent une moyenne remarquable de 83 mph sur l'ensemble du parcours (plus de 130 km/h de moyenne), améliorant le record précédent de Dan Gurney et Brock Yates... d'une minute seulement.

À voir aussi  Une réplique de Ferrari Sharknose !
Après son run initiatique, la Dino 246 GTS est restée dans la même famille !

Le moteur V6 2,4 litres de la Dino, développant 195 chevaux dans sa version européenne, trouve ici l'occasion de prouver sa robustesse. Malgré un bouchon d'allumage encrassé dans le Midwest, une fuite de carburant et une collision avec des lièvres de l'Arizona, la mécanique Pininfarina-Scaglietti tient le choc jusqu'au bout.

Une épopée digne d'Hollywood

Le Cannonball, organisé par le journaliste automobile Brock Yates, incarnait l'esprit rebelle des années 1970. Cette course illégale, qui se déroula à cinq reprises entre 1971 et 1979, ne connaissait qu'une seule règle : partir de la côte Est et arriver le plus rapidement possible sur la côte Ouest, par n'importe quel itinéraire et avec n'importe quel véhicule.

Pour transformer leur Dino en bolide transcontinental, May et Cline apportent quelques modifications subtiles mais efficaces. Des détecteurs radar et une radio CB sont installés discrètement, tandis que de petits volets sont ajoutés aux essuie-glaces pour les maintenir plaqués à haute vitesse. Le tachymètre est pivoté pour permettre à May de surveiller plus facilement les 7 600 tours/minute fatidiques du V6. Un réservoir auxiliaire porte l'autonomie à environ 800 kilomètres, réduisant les arrêts au strict minimum.

Sur la route, les chemins, partout, la Dino passe !

L'aventure tourne parfois au cauchemar : pluie battante en Ohio, tempête de sable en Californie, poursuite policière et emprisonnement temporaire. « Ce flic de l'Ohio était formidable », se souvenait May. « Je pense qu'il était compatissant — il nous a même montré le chemin le plus rapide pour rejoindre l'autoroute. » Ces péripéties n'entament pas la détermination du duo, qui arrive finalement au Portofino Inn avec quelques secondes d'avance sur le chrono de référence.

À voir aussi  38 voitures dont 13 Hypercar : voici la liste des engagés en WEC 2023

Une légende à vendre

Aujourd'hui, cette Ferrari Dino 246 GTS demeure un témoignage exceptionnel de l'âge d'or du Cannonball Run. Propriété de la famille May depuis l'origine, elle affiche 50 819 miles au compteur et n'a jamais été restaurée. Son état préservé constitue un véritable livre d'histoire à ciel ouvert : les marquages manuscrits dans le coffre, l'emballage de bougie scotché au plancher et même les micro-impacts du sable californien sur le pare-brise d'origine racontent encore cette folle équipée.

La Dino 246 GTS, produite à seulement 1 274 exemplaires entre 1972 et 1974, représentait alors l'entrée de gamme de Ferrari. Son moteur V6 transversal et sa ligne signée Pininfarina en faisaient pourtant une sportive accomplie, capable de dépasser les 240 km/h. Ironie de l'histoire, cette « petite » Ferrari s'est révélée plus endurante que bien des supercars de l'époque sur les routes américaines.

Burt Reynolds avait d'ailleurs proposé 250 000 dollars pour cette voiture en 1978, après le succès du film « Cannonball Run ». Jack May avait refusé, pressentant peut-être la valeur patrimoniale exceptionnelle de son bolide. Cinquante ans plus tard, cette Dino s'apprête à changer de mains pour la première fois, portant avec elle un morceau de l'histoire automobile américaine et le parfum d'une époque où l'audace se mesurait encore en miles par heure sur l'asphalte des grands espaces.

Cette vente constitue une opportunité rare d'acquérir non seulement une Ferrari historique, mais aussi un chapitre vivant de la légende Cannonball, témoin d'une Amérique où les limites n'existaient que pour être dépassées.