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BMW 3.0 CSL : c'est avec elle que le M est arrivé en compétition

Marques et modèles cultes

La BMW 3.0 CSL a prouvé qu'une voiture de course pouvait aussi être une œuvre d'art. Entre son six cylindres et sa silhouette ailée devenue iconique, cette Bavaroise n'a pas seulement collectionné les trophées. Elle a écrit le premier chapitre d'une saga.

texte Mathias Pivert
photo BMW / Geoffroy Barre

La BMW 3.0 CSL, avec sa silhouette reconnaissable entre mille et ses appendices aérodynamiques spectaculaires, marque l'entrée fracassante de BMW dans l'élite du sport automobile international. Considérée comme la première « M » issue du département Motorsport, elle continue aujourd'hui encore de fasciner en courses historiques.

Des origines ancrées dans la course à la performance

Au début des années 1970, BMW vivait une période charnière. Sous la direction d'Eberhard von Kuenheim, la marque bavaroise aspirait à s'affirmer dans le monde du sport automobile. C'est dans ce contexte que naquit, le 1er mai 1972, BMW Motorsport GmbH, avec à sa tête Jochen Neerpasch, ancien pilote Porsche et responsable course chez Ford. Cette filiale dédiée à la compétition, qui deviendra plus tard BMW M GmbH, avait une mission claire : concevoir des voitures capables de s'imposer face à la concurrence.

Comme l'explique Robert A. Lutz, membre du conseil d'administration de BMW AG en charge des ventes en 1972 : « Une entreprise est comme un être humain. Tant qu'elle pratique le sport, elle reste en forme, bien entraînée, pleine d'enthousiasme et de performance. » Cette philosophie a guidé la création de BMW Motorsport GmbH, dont la CSL est devenue l'incarnation parfaite.

3.0 CSL en version route, déjà impressionnante

La 3.0 CSL fut l'un des premiers fruits de cette ambition. Issue de la BMW E9, elle fut développée spécifiquement pour la compétition en Groupe 2 puis en Groupe 5. Le « L » dans CSL signifiait « Leichtbau » (construction légère) : portes et capots en aluminium, vitres amincies, habitacle dépouillé... Tout était pensé pour l'allègement. La version routière, nécessaire à l'homologation, affichait 1 092 kg sur la balance, tandis que sous le capot sommeillait un six cylindres en ligne de 3,0 litres, puis 3,2 litres, développant jusqu'à 206 ch en version civile.

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En revanche, la version compétition voyait sa puissance grimper considérablement, atteignant initialement 360 ch grâce à une culasse à 12 soupapes et une injection spécifique.

Domination sans partage sur les circuits européens

Dès 1973, la CSL monopolisa les podiums européens avec une livrée désormais légendaire. Les trois bandes bleu, violet et rouge sur fond blanc devinrent l'identité visuelle de BMW Motorsport, et subsistent encore aujourd'hui dans l'ADN de la marque. À son volant, des pilotes de renom comme Hans-Joachim Stuck, Chris Amon, Toine Hezemans ou Dieter Quester.

Nürburgring 1973, le début de la légende

La CSL s'imposa rapidement comme la voiture à battre dans le Championnat d'Europe des voitures de tourisme, qu'elle remporta six fois entre 1973 et 1979. Lors de sa première année en compétition, Hans-Joachim Stuck et Chris Amon remportèrent les 6 Heures du Nürburgring. Les BMW étaient équipées d'un nouveau spoiler récemment homologué pour la CSL, qui leur a permis de gagner 10 secondes par tour. Les deux premières places étaient occupées par des voitures d'usine équipées de moteurs 3,3 litres, tandis que la troisième place revenait à une Alpina équipée d'un moteur 3,5 litres utilisant le nouveau vilebrequin à course longue récemment homologué.

La course a été un désastre pour Ford : la Capri RS 3,0 de Jackie Stewart/Emerson Fittipaldi a cassé un joint de culasse, tandis que Dieter Glemser et Jochen Mass se sortis de piste avec les deux autres Capri. BMW a pris la tête du championnat d'Europe des voitures de tourisme à cette occasion, marchant vers la domination.

L'approche de BMW Motorsport ne se limitait pas à la technique. Jochen Neerpasch, convaincu de l'importance de l'interface homme-machine, emmena toute son équipe de pilotes dans une session d'entraînement à Saint-Moritz. Dans cette station de ski suisse, l'équipe entière bénéficia des conseils d'un instructeur sportif et d'un psychologue du sport. Cette attention portée à la préparation des pilotes, révolutionnaire pour l'époque, faisait partie de l'approche holistique de BMW en matière de compétition.

Au fil des évolutions, la 3.0 CSL devint une véritable bête de course. La version ultime, équipée d'un moteur 3,2 litres biturbo, développait une puissance phénoménale pouvant atteindre 800 ch. En 1976, le pilote Ronnie Peterson prit les commandes de cette version surpuissante, volontairement bridée à 750 ch pour préserver la fiabilité en course.

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Alexander Calder / BMW 3.0 CSL / 1975

Même après avoir quitté son rôle de porte-drapeau en compétition, l'esprit de la CSL a continué d'influencer les programmes sportifs de BMW. L'expérience acquise avec cette voiture a contribué au développement de la M3 E30, qui a remporté deux Championnats d'Europe des voitures de tourisme et deux Championnats d'Allemagne (DTM). En 1982, BMW a transféré cette expertise vers la Formule 1 avec son premier moteur turbocompressé. C'est ce moteur qui a propulsé Nelson Piquet vers le titre mondial en 1983 au volant d'une Brabham, seulement deux ans (630 jours) après la première apparition du moteur BMW en F1.

La pionnière qui lança le sigle M

Au-delà de ses victoires, la 3.0 CSL fut un véritable laboratoire technologique pour BMW. Elle inaugura le premier moteur six cylindres à quatre soupapes par cylindre de la marque et fut équipée dès 1974 d'un prototype d'ABS, bien avant que cette technologie ne devienne standard sur la BMW Série 7.

Son aérodynamique sophistiquée, avec son large aileron arrière, ses extensions d'ailes et son déflecteur de toit, lui valut son surnom de « Batmobile ». Ces appendices, spectaculaires mais efficaces, participèrent grandement à sa tenue de route légendaire et à ses performances exceptionnelles.

Sur le tarmac de Sebring, un Z4 GTLM avec une 3.0 CSL en 2015

La CSL contribua également à forger l'identité sportive de BMW sur le marché nord-américain. Engagée dans le championnat IMSA aux États-Unis en 1975, elle permit de familiariser le public américain avec la marque bavaroise, désormais associée à la performance et à l'excellence technique. Avec de fameux sigle M.

Les 3,0 CSL animent les courses historiques, ici Le Mans Classic

La demande pour des BMW compétitives dépassait largement les capacités du département sportif de l'époque. Les BMW 1800 TI, 2000 TI et toute la Série 02 remportaient courses sur courses, mais BMW ne pouvait satisfaire qu'une fraction de la demande globale, la grande majorité des voitures étant préparées par des préparateurs externes. La création de BMW Motorsport GmbH visait à reprendre le contrôle de cette activité stratégique.

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En 2003, BMW a ressuscité le label CSL avec la M3 CSL (E46). Fidèle à la philosophie originale, les trois lettres représentaient « Coupé Sport Lightweight » et traduisaient une approche radicale de l'allègement. Toit, console centrale et panneaux de porte en plastique renforcé de fibres de carbone, vitre arrière allégée et suppression de nombreux éléments de confort ont permis de créer une M3 taillée pour la piste. Avec son moteur réglé à 360 ch, la CSL a démontré ses performances exceptionnelles en bouclant la Nordschleife du Nürburgring en 7:50 minutes, un temps remarquable pour un véhicule de cette catégorie.

L'histoire de la BMW 3.0 CSL est intimement liée à celle de la division M. Son succès en compétition a contribué à la création des premières BMW M de série, transmettant leur ADN sportif aux modèles routiers. Lorsque BMW réintroduit aujourd'hui une CSL dans sa gamme, c'est toujours en référence à cette légende des circuits qui, cinquante ans après, continue d'incarner l'esprit de performance de la marque à l'hélice.