Au début des années 1960, une petite berline italienne commence à faire trembler les chronométreurs sur les circuits européens. L'Abarth 850 TC, dérivée de l'humble Fiat 600, représente l'aboutissement du savoir-faire de Carlo Abarth dans l'art de transformer des voitures de série en championnes de course. Équipée d'un moteur quatre cylindres de 847 cm³ développant 52 chevaux en version stradale, cette voiture compacte va régner sur la catégorie Tourisme pendant près d'une décennie.
Son histoire témoigne d'une époque où ingéniosité technique et détermination permettaient encore à des constructeurs artisanaux de briller face aux grands manufacturiers. Entre 1961 et le début des années 1970, la 850 TC et sa grande sœur, la 1000 Berlina, écriront quelques-unes des plus belles pages du sport automobile italien, offrant aux pilotes privés une arme accessible mais redoutablement efficace.
Aux origines, la base mécanique de la Fiat 600
L'histoire de l'Abarth 850 TC commence avec la Fiat 600 (contrairement à l'histoire des 595 et 695 SS, qui commence avec la 500), cette petite voiture populaire qui motorise l'Italie des années 1950. Présentée en 1955, la Fiat 600 équipée d'un moteur quatre cylindres de 633 cm³ développant 21 chevaux connaît un succès commercial considérable. Sa mécanique simple et sa carrosserie compacte en font une base idéale pour les transformations sportives.
Carlo Abarth, installé à Turin depuis 1949 après avoir travaillé pour Cisitalia, noue une collaboration fructueuse avec Fiat. Dès le milieu des années 1950, il commence à développer des versions améliorées de la 600. La première transformation significative porte la dénomination « Fiat 600 derivazione Abarth 750 », révélant la caractéristique fondamentale de l'approche d'Abarth : l'augmentation de cylindrée. Le moteur passe de 633 à 747 cm³ grâce à une modification de l'alésage et de la course, optimisant ainsi le potentiel de la mécanique d'origine.

En 1957, la carrosserie de la 600 subit des variations avec l'introduction de la seconde série. Ces évolutions de la voiture de base permettent à Abarth d'affiner progressivement ses propres versions. L'élaboration se poursuit méthodiquement, Abarth testant différentes configurations et perfectionnant ses recettes techniques. Cette démarche progressive aboutit à la création de véritables voitures de course tout en conservant une apparence extérieure relativement proche de la voiture de série, condition indispensable pour l'homologation en catégorie Tourisme.
La naissance de la 850 TC, vraie voiture de course
La Fiat-Abarth 850 Turismo Competizione est la première véritable voiture de course basée sur le châssis et la mécanique de la Fiat 600. Le moteur quatre cylindres atteint désormais 847 cm³ grâce à un alésage porté à 62,5×69 mm. Cette augmentation de cylindrée s'accompagne d'un travail complet sur l'ensemble de la mécanique.

Le modèle 850 TC strada de 1961 développe une puissance maximale de 52 chevaux à 5.800 tr/min permettant d'atteindre une vitesse maximale de 140 km/h. Les versions plus radicales, les 850 TC Corsa et Testa Radiale Corsa, disposent d'un moteur développant 76 chevaux à 8.000 tr/min.

Mais Abarth ne se limite pas au moteur. La 850 TC se distingue de la 600 D par un ensemble de modifications techniques : freins à disque, suspensions entièrement revues, radiateur supplémentaire. La transformation s'avère si complète qu'elle fait de la 850 TC une voiture véritablement différente, même si la carrosserie conserve une silhouette reconnaissable. L'ingénieur Mario Colucci, employé chez Alfa Romeo, contribue au développement avec un bloc moteur quatre cylindres de 982 cm³ à simple arbre à cames dérivé du moteur de la Fiat 600.
Le triomphe au Nürburgring et la version spéciale
L'année 1961 marque un tournant dans l'histoire sportive de la 850 TC. En septembre, lors des 500 km du Nürburgring, les Fiat Abarth 850 TC écrasent littéralement la concurrence. Quatre voitures sont engagées pour Lothar Binder, Karl Foitek, Ernst Furtmayr et Salvatore Leto-di Priolo. Toutes terminent dans le top 5, Ernst Furtmayr remportant la victoire après une course impeccable.

Cette performance exceptionnelle sur l'un des circuits les plus exigeants au monde démontre les qualités intrinsèques de la petite Abarth. Le Nürburgring, avec ses 22,8 kilomètres et ses innombrables virages, constitue un terrain de jeu idéal pour une voiture légère, agile et fiable. La victoire face à des concurrentes souvent plus puissantes témoigne de l'efficacité globale du package Abarth.

Pour célébrer ce triomphe, Carlo Abarth décide de lancer en 1962 une version spéciale : la Fiat Abarth 850 TC « Nürburgring ». Cette édition limitée, dotée grâce à un arbre à cames plus pointu de cinq chevaux supplémentaires, commémore la victoire allemande. L'appellation « Nürburgring » apposée sur la carrosserie constitue un véritable label de prestige, associant définitivement le petit Scorpione au mythique circuit allemand. Cette voiture devient rapidement un objet de convoitise pour les amateurs éclairés.
L'année 1963 représente l'apogée de la domination Abarth dans les épreuves d'endurance. À la fin de cette saison, la marque turinoise remporte à nouveau le Championnat du Monde d'Endurance dans les trois catégories de la Division 1 : les 700, 850 et 1 000 cm³. Cette performance remarquable confirme la supériorité technique des préparations Abarth et la pertinence de la stratégie consistant à développer une gamme complète couvrant plusieurs cylindrées.

Cette période faste se poursuit en 1964 avec l'introduction de la carrosserie de l'« ultima 600 D », avec des portes s'ouvrant de manière conventionnelle et un radiateur avant redessiné. Les modifications esthétiques accompagnent une recherche constante d'amélioration aérodynamique et de refroidissement. La production atteint environ 400 unités en 1962, un volume significatif pour un constructeur artisanal comme Abarth.
L'évolution vers la 1000 Berlina et la fin d'une époque
Parallèlement à la 850 TC, Abarth développe la 1000 Berlina, présentée en 1962. Cette version dispose d'une cylindrée portée à 982 cm³ et développe environ 60 chevaux, atteignant une vitesse maximale de 150 km/h.

Les versions les plus radicales continuent d'évoluer. Les 1000 Berlina Corsa et Testa Radiale Corsa expriment une puissance maximale de 85 chevaux à 7.600 tr/min. Ces performances permettent à la 1000 d'atteindre 188 km/h. La gamme Gruppo 5, encore plus extrême, développe jusqu'à 110 chevaux.
Comme l'écrit le magazine Motorsport en avril 1962 : « La plupart des amateurs de petites voitures de sport choisiraient sans hésitation la Mini Cooper si on leur demandait de désigner la plus véloce des voitures de moins de 1 000 cm³. Mais nous venons de tester une voiture capable de laisser sur place celle-ci, malgré un moteur qui lui rend 150 cm³. Cette machine incroyable est la Fiat Abarth 850 TC, une Fiat à l'apparence normale qui cache bien son jeu... »
En 1971, la marque Abarth entre dans le giron de Fiat. Cette intégration marque la fin d'une époque pour les 850 TC et 1000 Berlina produites de manière artisanale. La production des modèles dérivés de la 600 cesse progressivement, même si ces voitures continueront à briller sur les circuits historiques pendant encore de nombreuses années. L'aventure de près d'une décennie s'achève, laissant derrière elle un héritage sportif considérable et des centaines d'exemplaires qui font aujourd'hui le bonheur des collectionneurs et des passionnés de courses historiques.

