Pour la première fois de son histoire, la voiture électrique franchit la barre symbolique des 20 % de parts de marché mondial au troisième trimestre 2025. Les constructeurs se félicitent, les politiques brandissent ce chiffre comme preuve du succès de la transition énergétique. Sauf que la réalité est moins flatteuse qu'il n'y paraît.
Deux planètes automobiles qui ne se parlent plus
Le monde automobile s'est scindé en deux blocs irréconciliables. D'un côté, la Chine qui écrase tout avec sa production massive et son marché intérieur dopé. De l'autre, l'Europe qui compense son retard industriel à coups de milliards d'aides publiques.
Le Danemark affiche 65 % de ventes électriques, l'Allemagne en immatricule 133 000 au troisième trimestre avec 18 % de parts de marché. La France vient de franchir les 24,5 % en octobre grâce au leasing social. Des chiffres spectaculaires qui masquent une réalité gênante.
Pendant ce temps, le Japon plafonne à 2-3 % de parts de marché avec une courbe désespérément plate depuis 2019. Les États-Unis restent sous les 10 %, et Donald Trump vient de relâcher la pression réglementaire sur les motorisations thermiques. Ces deux puissances automobiles ont-elles raison d'être prudentes ? Ou accusent-elles un retard fatal ?
La France sauvée par le chéquier de l'État
Octobre 2025 restera comme le mois du triomphe artificiel de l'électrique en France. Les ventes ont bondi de 63 % d'un coup, propulsant les véhicules à batterie à 24,5 % du marché. Un véhicule sur quatre vendu était électrique. Magnifique, non ?
Pas vraiment. Selon Mobilians, entre 7 000 et 8 000 des voitures vendues en octobre sont des leasing sociaux. Sans ce dispositif, le marché automobile français aurait reculé de 2,6 %. Autrement dit, l'électrique progresse uniquement parce que l'État paie une partie de la facture.
La Renault 5 électrique illustre parfaitement cette réalité. Avec 4 551 immatriculations en octobre, elle écrase le classement et représente 13,3 % du marché des véhicules électriques. Renault a enregistré plus de 10 000 commandes depuis le lancement du leasing social fin septembre. À 100€ par mois, difficile de résister.
Peugeot n'est pas en reste. La marque au lion explose avec +86 % de progression en octobre. La e-208 passe de 3,7 % à 7,1 % de parts de marché électrique avec 2 436 immatriculations. Le e-2008 bondit de 1,4 % à 4,8 % avec 1 630 unités. Son meilleur score de l'année. Merci le leasing social.
Pendant que Renault (+17%) et Peugeot se congratulent, le reste du marché français s'effondre. Toyota recule de 23,6 % en octobre. Volkswagen perd 11,6 %. Sur les dix premiers mois de 2025, le marché VP affiche un recul de 5,4 % qui touche surtout les entreprises (-11,8 %) et les particuliers (-7,2 %).
Le message est clair : sans subvention, pas de vente. Les constructeurs qui ne jouent pas le jeu du tout-électrique subventionné disparaissent des radars. Une distorsion de concurrence assumée par les pouvoirs publics au nom de la transition énergétique.
L'Europe contre le reste du monde
Cette stratégie européenne du tout-électrique à marche forcée crée un décalage inquiétant avec le reste de la planète. Pendant que Bruxelles impose des normes de plus en plus strictes et que Paris distribue des chèques, les constructeurs japonais et américains adoptent une approche plus pragmatique.
Toyota continue de miser sur l'hybride. Le Japon investit dans l'hydrogène. Les États-Unis diversifient leurs paris technologiques. Ont-ils tort ? L'avenir le dira. Mais une chose est certaine : l'Europe construit son avance électrique sur des fondations financièrement insoutenables.
La Grande-Bretagne, non soumise aux surtaxes douanières européennes sur les véhicules chinois, voit débarquer massivement BYD et consorts avec 124 000 électriques vendues au troisième trimestre. Les constructeurs chinois profitent des incohérences réglementaires européennes pour grignoter des parts de marché.
Le jour où le robinet se fermera
La vraie question n'est pas de savoir si la voiture électrique progresse. C'est évident qu'elle progresse quand l'État finance une partie de l'achat. La vraie question est : que se passera-t-il quand les aides s'arrêteront ?
Le leasing social français est plafonné à 50 000 véhicules par an. Un chiffre dérisoire face aux 1,3 million de véhicules particuliers vendus sur dix mois en 2025. Et surtout, un dispositif temporaire par nature. Quand il prendra fin, que deviendra la Renault 5 à son prix réel de 27 000€ ?
Le contraste avec Porsche est saisissant. Pendant que Renault jubile avec sa R5 louée 100€ par mois, le constructeur allemand vient d'annoncer une chute de 99% de ses bénéfices, plombé notamment par ses modèles électriques de luxe. L'électrique marche sur le segment populaire subventionné. Elle peine dramatiquement sur le premium non aidé.
Un record en trompe-l'œil
Les 20% de parts de marché mondial constituent effectivement un record historique. Mais ce chiffre cache une réalité fragmentée. La Chine tire le marché avec sa production de masse. L'Europe compense son retard industriel à coups de subventions. Le Japon et les États-Unis observent prudemment.
Ce record n'est pas celui d'une technologie qui s'impose naturellement. C'est celui d'une volonté politique qui force le marché par la contrainte réglementaire et l'argent public. Une stratégie risquée dont personne ne connaît l'issue.
En attendant, profitez du leasing social tant qu'il existe. Parce que le jour où l'État fermera le robinet, le paysage automobile risque de changer brutalement. Et ce jour-là, on saura enfin si les 20 % de parts de marché reflétaient une vraie demande ou une simple opportunité financière passagère.

