La 968 L'Art est née de la collaboration entre Porsche et Arthur Kar, fondateur de L'Art de l'automobile. Présentée lors de la Fashion Week de Paris 2021 et exposée dans le quartier du Marais, cette réinterprétation audacieuse de la dernière "transaxle" de Stuttgart célèbre les 30 ans du modèle original tout en projetant son esthétique dans une modernité assumée.
Arthur Kar et l'art automobile
L'histoire d'Arthur Kar se lit comme un conte moderne où la passion automobile devient vecteur de création artistique. Né à Beyrouth et élevé à Paris, ce fils de mécanicien a grandi les mains dans le cambouis et le nez dans les échappements. À 16 ans seulement, il intègre un Centre Porsche français en tant que mécatronicien, se spécialisant rapidement dans les modèles emblématiques de la marque. Cette immersion précoce dans l'univers de Zuffenhausen forge non seulement son expertise technique, mais nourrit également un rêve : posséder sa propre Porsche.

Comme le souligne le communiqué officiel, « Afin de réaliser son rêve de posséder sa propre Porsche, Kar a franchi le pas et a lancé sa propre entreprise », revendant des véhicules restaurés à une clientèle internationale. Cette activité lui permet d'acquérir une Carrera GT alors qu'il est encore jeune — une prouesse qui témoigne de son flair commercial autant que de sa passion dévorante.
En 2017, Arthur Kar opère une synthèse inattendue en fondant L'Art de l'automobile, une marque de mode streetwear qui fusionne culture automobile et fashion. Cette approche transversale préfigure déjà la philosophie qui animera la création de la 968 L'Art : faire dialoguer des univers apparemment éloignés pour créer quelque chose d'inédit.
La Porsche 968, mal-aimée devenue culte
Pour saisir l'audace du projet de Kar, il faut d'abord comprendre ce que représentait la 968 dans l'histoire de Porsche. Présentée en octobre 1991 au salon de Francfort, elle succédait à la 944 après une gestation complexe au sein du constructeur. Dessinée par Harm Lagaay — le même qui signera plus tard la Boxster et la 996 — elle incarnait une rupture stylistique avec les lignes tendues de sa devancière, adoptant des formes plus rondes et organiques caractéristiques du biodesign alors en vogue.

Techniquement, la 968 représentait l'aboutissement du concept transaxle initié avec la 924 en 1976. Son quatre cylindres de 3 litres refroidi par eau développait 240 chevaux et inaugurait le système VarioCam de calage variable des arbres à cames, une première mondiale pour Porsche. La boîte Tiptronic avec mode séquentiel constituait également une innovation majeure. Avec un 0 à 100 km/h en 6,5 secondes et une vitesse maximale de 252 km/h, elle offrait des performances de premier plan pour l'époque.

Pourtant, coincée entre la mythique 911 et l'arrivée imminente du Boxster, la 968 n'a jamais trouvé son public. Produite à seulement 12 776 exemplaires entre 1991 et 1995, elle reste la Porsche la moins vendue de l'ère moderne. Cette rareté relative en fait aujourd'hui une youngtimer recherchée, particulièrement en version Turbo S limitée à 14 exemplaires ou en Club Sport allégée. C'est précisément ce statut d'incomprise géniale qui a séduit Arthur Kar.
La métamorphose de la 968 L'Art
La transformation de la 968 en œuvre d'art roulante a nécessité 18 mois de travail dans un atelier parisien. Loin d'être une simple customisation cosmétique, le projet constitue une refonte en profondeur qui respecte l'essence du modèle tout en la projetant dans une dimension nouvelle.
La modification la plus spectaculaire concerne la suppression du toit, transformant le coupé en roadster. Cette décision audacieuse s'accompagne de l'ajout d'un double bossage arrière directement inspiré de la mythique 356 Speedster des années 50. Ce clin d'œil historique crée un dialogue temporel fascinant : une auto des années 90 qui cite les années 50 tout en regardant vers le futur.

La teinte verte spécialement développée pour le projet constitue un autre élément signature. Ni vert British Racing, ni vert Oak des 911 vintage, cette nuance unique positionne la 968 L'Art dans un espace chromatique inédit. Les optiques avant ont été remplacées par deux bandes LED horizontales qui modernisent radicalement la face avant tout en conservant une certaine parenté avec les phares escamotables d'origine. À l'arrière, les feux redessinés portent l'inscription « KAR » dans une typographie très années 80, créant un effet rétro-futuriste assumé.

Comme le note Le Blog Auto, le design « s'inspire du look rétro du début des années 1990 tendance biodesign tout en y mêlant une touche de modernité ». Cette dualité temporelle constitue le fil rouge du projet, oscillant constamment entre nostalgie et avant-garde.
Quand l'horlogerie, l'audio et le sport automobile convergent
L'une des dimensions les plus remarquables du projet réside dans l'implication de partenaires prestigieux de Porsche, transformant l'habitacle en véritable showcase technologique et artisanal.
TAG Heuer, partenaire horloger historique de Porsche depuis les années 60 et l'époque de Jo Siffert, a créé un chronomètre unique intégré au tableau de bord. Cette pièce exclusive rappelle l'époque où les chronographes Heuer équipaient les Porsche de course, du temps où Steve McQueen portait sa Monaco sur le tournage du Mans. L'intégration d'une montre mécanique dans un environnement automobile moderne crée un anachronisme poétique parfaitement en phase avec l'esprit du projet.
Recaro, dont l'histoire avec Porsche remonte aux légendaires sièges de la 911 Turbo 3.3, a développé des baquets sur mesure recouverts de cuir ECCO EL3. Ce matériau haute technologie, traité sans chrome et respectueux de l'environnement, représente l'avant-garde du travail du cuir dans l'industrie automobile. Les sièges conservent l'ADN sportif de Recaro tout en adoptant un design contemporain qui dialogue avec les lignes fluides de la carrosserie.
Bose a conçu un système audio sur mesure avec une disposition innovante des haut-parleurs. Cette collaboration prend tout son sens quand on sait que Bose équipe les Porsche depuis le début des années 80, participant à l'évolution de la marque vers le grand tourisme luxueux sans renier ses racines sportives. Les grilles de haut-parleurs au design élégant s'intègrent harmonieusement dans l'habitacle minimaliste, créant une expérience sonore immersive digne des meilleures installations high-end contemporaines.
La 968 L'Art s'inscrit dans une tradition d'art cars qui remonte aux années 70, quand BMW commença à confier ses modèles de course à des artistes comme Alexander Calder ou Frank Stella. Mais là où les BMW Art Cars restaient des œuvres contemplatives, la création d'Arthur Kar se veut fonctionnelle et culturellement ancrée dans le streetwear contemporain.

Robert Ader, vice-président Marketing de Porsche AG, souligne cette dimension communautaire : « L'amour de Porsche unit de nombreuses personnes à travers le monde et pour nous aussi, c'est toujours un sentiment spécial lorsque nous pouvons aider quelqu'un comme Arthur Kar à réaliser un rêve extraordinaire ». Cette déclaration révèle la volonté de Porsche de s'ouvrir à de nouveaux publics, notamment la génération streetwear qui mélange codes du luxe et culture urbaine.
Le lancement de deux collections capsules de vêtements — l'une par L'Art de l'automobile, l'autre par Porsche — prolonge le projet au-delà de l'automobile. La collaboration avec la marque de cosmétiques Byredo pour créer un purificateur d'air exclusif pousse encore plus loin cette logique de lifestyle total. La 968 L'Art devient ainsi le pivot d'un écosystème créatif qui englobe mode, design et art de vivre.

