Mercedes-Benz vient de lever le voile sur sa Vision Iconic, un concept-car dévoilé à Shanghai qui cristallise une ambition paradoxale : rendre la voiture électrique désirable en lui donnant les attributs visuels des grandes berlines thermiques d'antan. Cette étude de style, présentée le 14 octobre 2025, ne se contente pas de recycler les codes esthétiques de la marque à l'étoile. Elle les réinvente avec une audace qui divise déjà les observateurs. Entre cette calandre monumentale illuminée qui fait débat et des technologies dignes de science-fiction, la Vision Iconic représente le pari de Mercedes pour réconcilier les puristes de la marque avec l'inéluctable transition électrique. Un exercice d'équilibriste qui mérite qu'on s'y attarde.
Une calandre chromée qui assume son gigantisme
La première chose qui frappe – et le terme n'est pas trop fort – c'est cette calandre. Immense, chromée, illuminée, elle occupe toute la face avant du véhicule avec une verticalité qui rappelle les Mercedes W108, W111 et surtout la majestueuse 600 Pullman des années 1960. Cette grille, déjà aperçue sur le nouveau GLC électrique présenté à Munich en septembre 2025, prend ici des proportions monumentales. Le cadre chromé entoure une structure en verre fumé dotée d'un éclairage de contour, capable d'afficher différentes animations graphiques.
L'étoile Mercedes, traditionnellement posée sur le capot, s'illumine elle aussi, créant un ensemble lumineux qui transforme la voiture en véritable phare urbain. « Cette combinaison de beauté intemporelle et de caractère, ainsi que le mélange de l'artisanat classique et de la technologie moderne, soulignent sa valeur exceptionnelle », explique Gorden Wagener dans le communiqué Mercedes-Benz, directeur du design du groupe. Une approche qui ne fait pas l'unanimité, certains observateurs y voyant une surenchère visuelle peu compatible avec l'élégance traditionnelle de la marque.
Pourtant, cette calandre n'est pas qu'un exercice de style gratuit. Elle représente la volonté de Mercedes de maintenir une identité visuelle forte à l'ère électrique, alors que l'absence de radiateur pourrait conduire à une uniformisation des faces avant. La marque renoue ainsi avec une tradition séculaire : celle de la calandre comme signature visuelle, inaugurée dès les années 1920 avec les modèles de tourisme qui arboraient déjà fièrement leur grille chromée verticale.
Un habitacle Art déco qui flirte avec l'horlogerie de luxe
L'intérieur de la Vision Iconic constitue une véritable déclaration d'intention sur ce que pourrait être le luxe automobile de demain. Mercedes a puisé dans le mouvement Art déco des années 1920-1930, période dorée de l'automobile de prestige où les Bugatti Type 57, Delage D8 et autres Hispano-Suiza H6 définissaient les canons du grand tourisme.
Le tableau de bord est dominé par une structure en verre flottant baptisée « Zeppelin » – référence évidente aux dirigeables qui symbolisaient le summum du voyage luxueux dans l'entre-deux-guerres. Cette pièce sculpturale abrite un combiné d'instruments qui mélange astucieusement analogique et numérique. Au démarrage, une animation « entièrement analogique, inspirée des chronographes haut de gamme » prend vie, avec quatre horloges dont l'une adopte la forme de l'étoile Mercedes.
Le velours bleu recouvre la banquette avant continue – un clin d'œil aux Mercedes-Benz 300 SL « Gullwing » et autres coupés des années 1950 où conducteur et passager partageaient une assise commune. Les poignées de porte en laiton poli, la marqueterie de nacre sur les panneaux et le plancher orné d'un motif en éventail typique de l'Art déco créent une atmosphère digne des palaces parisiens de la Belle Époque. Le volant à quatre branches, avec le logo Mercedes flottant dans une sphère de verre au centre, évoque les volants Nardi des années 1960 tout en y ajoutant une touche futuriste.
Des technologies qui redéfinissent l'automobile intelligente
Sous cette carrosserie néo-classique se cache un concentré de technologies qui placent la Vision Iconic à l'avant-garde de l'innovation automobile. La plus spectaculaire est sans doute l'informatique neuromorphique, un système de calcul qui imite le fonctionnement du cerveau humain. Cette technologie, développée en collaboration avec des partenaires de recherche, « pourrait réduire de 90 % les besoins en énergie pour le traitement des données en conduite autonome », selon le communiqué officiel de Mercedes-Benz.
La peinture noire brillante cache elle aussi une innovation majeure : des modules solaires intégrés capables de générer jusqu'à 12 000 kilomètres d'autonomie supplémentaire par an dans des conditions optimales. Cette technologie, appliquée sur une surface de 11 mètres carrés (équivalent à un SUV de taille moyenne), offre un rendement de 20 % et produit de l'énergie même véhicule éteint.
La Vision Iconic embarque également un système de conduite automatisée de niveau 4, permettant au conducteur de se détendre complètement sur autoroute. Le système gère les scénarios urbains complexes et inclut une fonction de stationnement entièrement automatisé, sans nécessiter d'infrastructure spécifique. Cette capacité rappelle les promesses du projet Prometheus de Mercedes dans les années 1980, qui explorait déjà les possibilités de la conduite autonome avec des capteurs ultrasoniques et des caméras rudimentaires.
La direction électrique (steer-by-wire) supprime tout lien mécanique entre le volant et les roues, offrant une précision accrue et permettant de réduire l'angle de braquage nécessaire. Cette technologie, déjà expérimentée sur la Mercedes-Benz F200 Imagination de 1996, trouve ici une application aboutie qui améliore particulièrement la maniabilité d'un coupé aux dimensions généreuses.
Une collection capsule qui prolonge l'expérience
Mercedes ne s'est pas contenté de présenter une voiture concept. La marque a développé une collection de mode comprenant six tenues pour hommes et femmes, reprenant les codes visuels de la Vision Iconic : bleu foncé profond, accents argentés-or, motifs géométriques Art déco. Cette démarche, présentée lors de la Fashion Week de Shanghai, illustre la volonté de Mercedes de positionner sa création comme un objet culturel dépassant le simple cadre automobile.
Un livre design intitulé « ICONIC DESIGN » accompagne également le lancement, avec des interviews exclusives d'Ola Källenius, PDG de Mercedes-Benz, et de Gorden Wagener. Cette approche holistique rappelle les grandes heures de la carrosserie française, quand des maisons comme Saoutchik ou Figoni & Falaschi créaient des « robes » automobiles coordonnées aux tenues de leurs propriétaires.
